Procrastiner, mais pour quels bénéfices?

Procrastiner n’est pas ne rien faire. C’est en réalité une lutte interne qui consomme beaucoup d’énergie…en voici une illustration.

L’homme a une grande expérience professionnelle. Il est aujourd’hui membre du comité de direction de sa société. A priori, il ne devrait pas être de ceux qui doutent, de ceux qui manquent de confiance en eux, de ceux qui procrastinent…à priori.

C’est malgré tout bien pour résoudre une difficulté touchant à l’estime de soi, révélée dans le contexte de sa relation singulière avec le dirigeant, qu’il m’a demandé de l’accompagner. Il est conscient qu’à cet endroit, il ne se respecte pas totalement et qu’il pourrait se positionner autrement : « j’ai trop souvent le sentiment de ne pas être à la hauteur, de ne pas me sentir légitime dans mes fonctions. Je sais ce qu’il faudrait que je fasse ou dise, mais je procrastine ».

Lors de notre séance, nous sommes au milieu du processus d’accompagnement. J’observe depuis peu que nous tournons en rond. Je me sens embarrassé, troublé par un sentiment diffus de ne pas tout à fait être à la hauteur de mes engagements vis-à-vis de lui. En vérité, je sens émerger comme un doute sur ma légitimité. J’hésite à le confronter. J’ai envie de lui faire part de mon irritation. Je résiste à l’envie, assez puissante, de me montrer direct, peut être agressif.

Il m’apparaît évident qu’à cet instant, je suis dans la danse de la procrastination : je veux que quelque chose change, mais je ne sais pas par quel bout prendre le problème. J’ai envie, mais j’ai peur.

En surmontant la croyance que je pourrai me montrer rigide, peut être directif, possiblement fragile, j’ai confronté mon client tout en lui faisant part de mon inconfort. Il m’en a remercié. Analysant de lui-même la situation, il su reconnaitre qu’il avait le fantasme que je lui donne la solution à son problème (Au prix que je vous paye !). A mon tour, je l’ai remercié de m’avoir lui aussi offert l’occasion de dépasser mes propres failles. Nous avons cessé, ensemble, de procrastiner. Nous avons renforcé notre alliance.

Procrastiner, contrairement à l’idée reçu, ce n’est pas rien faire. Procrastiner demande de l’énergie, beaucoup d’énergie. Et cela fatigue. L’action n’est pas visible, elle est sous-jacente. En procrastinant, on lutte, on évite le contact avec ce qui dérange, avec ce qui fait peur, avec ce qui pourrait nous rendre fragile. Bien souvent, on voudrait que l’autre, que le destin, décide à notre place.

Procrastiner est un processus inconscient qui éclaire nos zones d’ombre, qui les rend active dans le réel. Du point de vue de la Gestalt, l’objectif de la procrastination n’est pas de résister au changement, il serait en fait plutôt la preuve d’une envie de changer rendue hésitante par nos peurs et nos

Procrastiner ne serait pas un processus de résistance au changement mais au contraire, une tentative d’entrer dans le changement.

Pour sortir de la procrastination, rien de tel que de demander de l’aide et de s’ouvrir à celui qui vous la propose.

Heureux ceux qui procrastinent ! S’ils le savent, c’est qu’ils veulent changer !

Travail de coaching ou de psychothérapie ?

Théoriquement, la frontière entre le coaching professionnel et la psychothérapie individuelle est bien définie. Les éléments de cadre étant distincts, il est facile d’énoncer de nombreuses différences, au niveau de la structure, des processus, des codes de déontologie, etc..

Pour exemples, le coaching s’adresse aux questionnements et aux difficultés rencontrés dans l’espace professionnel quand la psychothérapie s’adresse aux questionnements et aux conflits intrapsychiques. Dans le cadre professionnel, les objectifs sont clairement identifiés et s’inscrivent dans une limite de temps définie à l’avance et faisant partie de l’objectif. Dans l’espace thérapeutique, le temps n’est plus une composante de l’objectif. Il devient facteur de sédimentation. Les objectifs de changement sont moins faciles à cerner car plus enfouis dans l’inconscient.

Hors situation d’accompagnement, les différences sont nettement identifiables entre les deux champs. Il arrive cependant, en cours de séance de coaching que les frontières deviennent plus difficiles à identifier.

Comment le coach doit-il se comporter ? Que faire quand les croyances et les angoisses profondes du client s’invitent dans le travail d’accompagnement professionnel ? Faut-il suivre la règle du cadre professionnel et ainsi exclure ce travail intrapsychique du coaching ? Doit-on prendre le risque de ne pas aider le client à avancer dans l’ici et maintenant ? Inversement, peut-on les prendre en compte et transgresser une limite ? Peut-on prendre le risque d’explorer ce qui relève du passé et en faire usage dans le cadre d’une prestation de coaching professionnel ?

Du côté de l’accompagnant, ce questionnement est essentiel. En tant que responsable du cadre et des processus d’accompagnement, c’est à lui que revient le devoir de travailler sa pratique avec l’aide d’un superviseur, de se former et de s’ouvrir à différentes pratiques, à différents courants.

Du côté de ceux qui veulent se faire accompagner, l’objet de ma réflexion est ici de les inviter à réfléchir à ce dont ils ont besoin. Être soutenu dans une difficulté personnelle ? Mieux gérer ses interactions avec les autres ? Mieux se comprendre dans des situations particulières ? Mieux prendre sa place ? Développer son pouvoir d’influence ? Aller vers une plus grande autonomie ? Creuser des questions existentielles ?

Pour chacune de ces questions, il s’agit de mesurer ce qu’éveille en soi le besoin. Avec les exemples qui viennent à l’esprit, se demander si cela concerne exclusivement la sphère professionnelle ou si les dimensions personnelles sont belles et bien présentes dans ces questionnements.

En fonction de ce que la personne va sentir, de ce qui va émerger en elle, elle pourra suivre son intuition et orienter sa recherche et son questionnement vers le praticien qui semblera lui apporter plus d’assurance. Accompagnant spécialisé dans le coaching professionnel dont la pratique est orientée vers le monde du travail et les organisations ? Ou un accompagnant plus proche de l’individu et plus à l’aise pour jouer avec ces frontières entre ce qui relève du professionnel et de l’intrapsychique ?

Trouble psychosomatique : c’est quoi le message ?

« Un symptôme se forme à titre de substitution à la place de quelquechose qui n’a pas réussi à se manifester au dehors« . Sigmund Freud

Parfois, nous pouvons être affectés de symptômes, et même de maladies, auxquels la médecine académique ne trouve ni origine ni explication scientifique. « C’est psychosomatique « , va-t-on un jour nous dire. Avec plus ou moins de commisération, avec cette pointe de jugement, comme pour nous dire que nous ne faisons pas assez d’effort pour nous soigner, ou avec empathie, mais sans solution, ce qui nous laisse un vague sentiment de culpabilité, et parfois même, de l’angoisse.

Est-ce le corps qui nous parle ? Est-ce notre esprit qui communique ? Peu importe, car le trouble psychosomatique est une réalité dans l’ici et maintenant. Il s’inscrit dans le corps, traumatise les organes, fait souffrir physiquement et psychiquement.

Les différentes écoles ou approches en psychologie et en psychopathologie s’accordent pour dire que la personne qui « somatise » traverse un conflit intrapsychique non conscientisé et non résolu : ce serait comme si l’esprit cherchait à traduire quelque chose ne pouvant se dire ni par les mots, ni par les émotions.

Depuis ce point de vue, le trouble psychosomatique est une symbolisation, un message à déchiffrer. Il est une histoire d’ordre psychocorporel à accueillir et à apprivoiser si l’on veut l’adoucir et si possible, s’en défaire.

Ma pratique, qui consiste à aider la personne à unifier et à intégrer ce qui relève de l’esprit, du corps et de l’affect, s’étend et se diversifie dans le cas des troubles psychosomatiques. Parce qu’ils sont inscrits dans les couches enfouies du corps et de l’esprit, il est nécessaire que l’exploration et la rencontre se fassent à ces niveaux de profondeur. Parler au corps et à l’esprit non plus avec des mots, mais avec des mises en situation, des exercices psychocorporels et d’autres formes d’expérimentations que le mental ne sait pas concevoir, ne sait pas (encore) déchiffrer.

Soulager et guérir le trouble psychosomatique s’obtient rarement par une seule voie car cela dépend intimement de la sensibilité et de la personnalité de celui ou de celle qui en souffre. Je trouve particulièrement utile et intéressant d’associer à la démarche d’autres thérapeutes qui chaque fois enrichissent le travail avec des points de vue, des cadres de référence et des pratiques très différents des miens.