Chaque fois que nous sommes confrontés à un problème, à fortiori lorsqu’il est complexe, chacun de nous doit choisir entre deux options : affronter la réalité et ses dangers ou percevoir le monde de manière à ce qu’il cadre avec ses croyances et ses certitudes. La méconnaissance est un mécanisme inconscient auquel nous sommes tous exposés.
Lors d’un entretien au cours duquel nous faisions l’analyse de son besoin en formation, le dirigeant émis cette phrase : « je ne veux pas que cette action soit comme un soufflé au fromage ».
« Une demande implicite, pensais-je, il ne veut pas que sitôt terminée, l’effet de la formation s’effondre en sortant du four ».
A cet instant, peut-être que mon interlocuteur considérait qu’une formation bien faite pouvait conduire à des changements de comportements et que, d’un coup d’un seul, les anciennes pratiques seraient remplacées par de nouvelles, plus ajustées, plus performantes, plus collectives.
Cette idée pouvait sans doute être portée par une noble intention et justifiée d’un point de vue économique. Mais je fis l’hypothèse que le dirigeant manifestait une méconnaissance.
En Analyse Transactionnelle, la méconnaissance est définie comme l’omission inconsciente d’une information utile à la résolution d’un problème. Elle s’accompagne d’une distorsion de la réalité, c’est-à-dire d’une exagération d’un des aspects de cette réalité.
En l’occurrence, je pensais que l’omission était que tout changement demande du temps. Faire changer les habitudes et les comportements nécessite un travail régulier centré sur la lutte qui nait entre l’évidence rationnelle du changement et l’homéostasie du système. La force de cette forme de résistance réside dans le tissu de nos peurs inconscientes et souvent refoulées, difficilement avouables dans le cadre professionnel.
La distorsion que j’avais à l’esprit était l’idée qu’une formation, lorsqu’elle est bien menée et bien argumentée, peut être suffisante pour conduire aux changements voulus.
Cependant, quand on fait un travail en individuel, on peut observer que deux facteurs sont indissociables du processus de changement : la fréquence du travail et la solidité de la posture de l’accompagnant.
La régularité participe à la mise en conscience des mécanismes d’évitement refoulés. La capacité de l’accompagnant à se montrer solide, ferme et en même temps bienveillant permet à la personne d’être soutenue et encouragée dans la découverte et l’expérimentation d’un faire différemment.
Pour une équipe, ces deux facteurs sont tout aussi fondamentaux : aucun changement ne peut être envisagé sans qu’une forme de régularité soit mise en œuvre et sans que le leader incarnant le changement ne soit présent tout au long du travail.
En d’autres termes, je suis convaincu qu’une formation n’est jamais suffisante pour conduire à un changement. Cette forme d’action doit nécessairement être inscrite dans un projet plus large avec des objectifs à moyen terme au cours duquel les personnes concernées seront régulièrement réunies, en présence de leur leader, pivot central et incarné de la réassurance et de la sécurité dont a besoin chacun des acteurs.
Pour revenir à notre histoire, la suite de l’entretien infirma mon hypothèse. Mon interlocuteur était parfaitement conscient de la situation et n’avait émis dans sa phrase du début que la force de son intention.
Dois-je faire l’hypothèse que j’ai, moi aussi, quelques méconnaissances ?